La Rage Médicale

D.E.S. tinée

Comment faut-il dire, s'agissant de divagations peu reluisantes à propos d'un malheureux hasard accomplissant son destin sans importance de faire mal les choses au mauvais moment? S'agissait-il d'une simple coïncidence, ou faut-il imaginer des dessous pas très nets et quelque peu enchevêtrés?

Diethylstilbestrol, acharnement médiéval contre les mères et les embryons.

"I'm going to drink his blood," he said. "I'm going to chew up his heart and spit it out into the gutter for the dogs to raise a leg at. I'm going to peel the skin off him and rip out his veins and hang him with them."

De 1948 à 1977 la France a autorisé ses médecins à prescrire à des centaines de milliers de femmes (des millions de par le monde) certaine potion supposée faciliter les grossesses difficiles. Je suis né en 1949 et ma mère a donc été des premières bénéficiaires de cette dernière avancée de la science ayant reçu l'aval de la 'Food and Drug Administration' américaine mais qui n'avait fait l'objet d'aucun essai clinique en France... le Plan Marshall venait d'être signé (1947) et on n'arrête pas le progrès.
Dès 1953 cependant des essais cliniques (Dieckmann WJ et al., American Journal of Obstetrics and Gynecology) établirent que le Diethylstilbestrol (DES) n'avait aucune action sur les fausses-couches ou les naissances prématurées mais il continua d'être prescrit car en si bon chemin l'encre du Code de Nuremberg, énonçant les critères acceptables pour l'expérimentation sur des êtres humains, avait eu le temps de sécher et prescrire n'est pas expérimenter.
Qu'ils disent. Ou que l'on tait.

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En 1971 le FDA Drug Bulletin avertit les toubibs Américains des dangers (cancer) de prescrire le DES, perturbateur endocrinien, aux femmes enceintes et son usage déclina. En France il est notoire que nous ne sommes pas très doués pour les langues étrangères et que si d'aucuns n'ont pas le moindre mal à comprendre la mélopée du dollar il n'en va pas de même avec la langue anglaise, aussi le massacre se perpétua-t-il jusqu'en 1977 quand, les mécanismes étatiques habilités s'étant arthritiquement ébranlés, l'alerte fut sonnée.
Un peu tard toutefois pour combien de femmes et leurs enfants! Et les enfants de leurs enfants. Et pas très fort... ou c'est peut-être que la surdité est l'un des effets secondaires du DES que Wikipedia ne mentionne pas dans sa liste des dommages collatéraux de la pharmacopée libérée à la mode après-guerre, ce handicap auditif n'empêchant pas de prendre connaissance de nombre d'utilisations créatives de cet oestrogène non-stéroïdien, depuis la volaille jusqu'à la marmaille en passant par la vache à lait, au propre comme au figuré.

L'alerte fut sonnée. Et le branle-bas géré par qui roupillait depuis un quart de siècle et profitait de cette sieste prolongée. Je ne m'étonnerai donc pas que l'alerte pour de bon ne m'alerta qu'en ma soixante-neuvième année. Les progrés démocratiques de la société française ayant permis sans doute que la vitesse du son soit supplantée par la célérité de l'administration et le généreux humanisme des médecins et pharmaciens privilégiant par principe la santé des patients mille coudées au-dessus de leurs bénéfices.
Aux USA il y eut des procès, des indemnisations, des lois furent votées... En France... en France une Association fut créée, chargée de ficeler la volaille pour la valoriser plus en détail, avant de l'expédier, seule, livrer un combat même pas douteux à la concupiscence des bataillons d'avocats que les profits mirobolants et autres exemptions fiscales dont jouissent les corporations pharmaceutiques permettent d'opposer à la chèvre de l'histoire qui pour son courage et son pelage généralement finit plumée.

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molécule du diéthylstilbestrol-lar

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Avouerai-je que, depuis ce jour là où certaine vérité de ma vie au visage me sauta au détour de quelques lignes, quelque chose sur l'estomac m'est resté, seulement bien sûr parce que me découvrant de si prés concerné par l'inconséquence d'autorités paraît-il responsables, mon objectivité au dépourvu fut mise à rude épreuve et s'en est si peu remise que sans fouiller bien loin je me découvre des provisions de réminiscences et quelques baffes à lui mettre dont elle pourrait bien ne pas se relever.
Or, connaissant des choses de ce monde ce que je n'en ignore pas, ce qui m'autorise à voyager léger, je suis donc à peu près au courant de ce que sont les usages en la matière, la loi du talion et 'si c'est ton père, c'est donc toi' ne faisant pas partie des bonnes manières recommandées par les législations qu'une civilisation millénaire applique avec une sévérité variable suivant que tu seras 'puissant ou misérable'... d'où l'intérêt pour le vengeur d'avancer masqué!
L'encre du Code de Nuremberg ayant eu le temps de sécher; d'outre-tombe les contrevenants continuant nier avoir jamais contrevenu et, comme leur maître Mengele, ayant échappé aux procédures qui auraient pu leur être intentées pour violences sexuelles (sur mineurs en instance de naître), actes constitutifs de crimes contre l'humanité, mais, heureusement pour la justice immanente qui en mon sein commençait de pester, heureusement pas pour violation de la Charte Européenne des Droits Fondamentaux car celle-ci est faite pour être ignorée et à la différence du Code, la Charte a force de loi, celle-ci forçant le respect dont les contrevenants voudront bien lui faire la faveur en autant que le principe de subsidiarité permettra à la 'Personne' au centre des préoccupations de la Charte d'échapper aux racailles qui l'ont fait voter.

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D'ailleurs si je comprends le moindrement la France éternelle ce sont les héritiers de ces ci-devants qui se découvrent à tout bout de champ la légitimité nécessaire pour intensifier les méthodes de leurs parents, gouverner par ordonnance, accuser l'omniprésent péril populiste de prôner la castration chimique des délinquants sexuels et ne songent pas une seconde à ce que faisait papa-maman dont les thérapeutiques distinguées ont torturé et assassiné des femmes et des enfants par millions, mais en concluent bien au contraire que c'est à des gens comme eux qu'il faut accorder toute confiance pour nous guider.

Pour nous soigner en particulier, et je sens cette maudite immanence à nouveau s'agiter, par je ne sais quoi mystérieusement revigorée.